vendredi 26 août 2016

Syrie. Washington sacrifie ses pions kurdes pour amadouer Erdogan



Curieusement,  il y a seulement quelques années, le président Brarack Obama appelait son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, son ami le plus proche sur la scène mondiale. À l'époque, Erdogan était perçu comme un membre loyal de l'OTAN et un ennemi des ambitions impériales de la Russie au Moyen-Orient. De plus, Erdogan s'était consacré, sans succès, à l'éviction du président syrien Bachar al-Assad, une position qui l'a mis en opposition directe avec la Russie et sa position dans la région, tout en soutenant l’État Islamique et en permettant à ses proches de s'enrichir grâce aux divers trafics avec ISIS.
Les deux derniers mois ont également été marqués par le développement de nouvelles «relations stratégiques» de Washington avec les forces kurdes d’autodéfense à la fois en Irak et en Syrie. Il n’est un secret pour personne que la Maison Blanche a cherché à utiliser ces forces pour marquer une victoire majeure au Moyen-Orient afin de préserver son hégémonie en ruine et faire reculer la Russie.
Pour atteindre ces objectifs, le Pentagone a augmenté son aide militaire aux Kurdes, en particulier en Syrie, par le transfert d’armes légères aux Peshmergas et en leur offrant une vaste formation militaire.
Cependant, comme il a été noté par le portail média Américain Newsmax, le monde change très rapidement, donc des conditions qui semblaient définir les affaires du monde hier sont désespérément dépassées aujourd'hui. Après la tentative de coup d’État contre Erdogan, au cours de cette période récente Erdogan a déclaré à des médias que Poutine est le facteur "le plus important" dans la résolution du conflit syrien, une déclaration qui a manifestement ignoré le rôle des États-Unis. De plus, Erdogan est arrivé à la conclusion évidente que le recours aux États-Unis comme allié est téméraire et hasardeux, en supposant qu'il est préférable de traiter avec les Russes plus dignes de confiance que les Américains peu fiables.
Par conséquent, il a été annoncé que le «nouvel ami» de Tayyip Erdogan, le président russe Vladimir Poutine, sera en visite en Turquie pour une visite officielle le 31 Août, qui va inévitablement renforcer le développement des relations bilatérales entre Moscou et Ankara.
Dans ces circonstances, Washington a décidé d’y aller avec une offre afin de réparer ses relations avec Ankara en sacrifiant ses amis kurdes. Il convient de noter qu’Erdogan a la réputation d'être un homme erratique, qui est toujours prêt à changer sa posture indépendamment de ce qu'il dit ou fait, dans le seul but d’obtenir de nouveaux gains politiques. Et il y a peu de doute qu'il aimerait obtenir un allié fiable dans la lutte contre les Kurdes qu'il déteste tant.
Il a déjà été rapporté que des conseillers militaires des États-Unis ont aidé la Turquie à élaborer un plan pour les opérations contre les terroristes d’ISIS/EI/Daech dans la ville syrienne de Jarablus. Ankara a choisi ses cibles à bon escient afin de ne pas attirer l'attention de la communauté internationale en ciblant les Kurdes syriens explicitement, avec comme  prétexte que les Turcs se battent contre  terroristes sur place. Cependant, Tayyip Erdogan lui-même a admis que l'opération préparée par les conseillers de Washington vise à Kurdes locaux.
Quant aux Kurdes de Syrie, que Washington a précédemment utilisé pour atteindre ses objectifs au Moyen-Orient, ils sont devenus une monnaie d'échange que la Maison Blanche est prête à sacrifier. Une fois que les Kurdes ont rempli leur rôle, leurs intérêts peuvent facilement être négligés par les États-Unis, car Washington préfère rétablir ses liens avec Ankara à la place des Kurdes.
Pour ajouter un élan supplémentaire à la reprise des relations américano-turques endommagées, la Maison Blanche a annulé la visite de John Kerry à Ankara, en remplaçant le secrétaire d’État américain par le représentant le plus influent de l'élite dirigeante américaine, le vice-président Joseph Biden, qui visite la Turquie juste au moment de l'invasion Turque des territoires syriens contrôlés par les Kurdes.
En jetant les Kurdes à la poubelle, la Maison Blanche n'a pas simplement résolu le problème de raccommoder ses relations avec la Turquie en empêchant Ankara de renforcer ses liens d'amitié avec Moscou. Elle a également réduit de manière significative l'intensité de la demande d'Ankara d'extrader le terroriste islamiste Fethullah Gülen, en faisant de cette question une question purement juridique.
Ainsi, l'ancien proverbe latin "Méfiez-vous des cadeaux grecs "  reste vrai dans les politiques menées par la Maison Blanche. Et même si aujourd'hui Washington donne "des cadeaux" à Ankara au détriment des Kurdes de Syrie, demain tout autre "partenaire stratégique" de la Maison Blanche peut se retrouver dans la peau de ces combattants peshmergas délaissés. Après tout, chacun d'eux est seulement un petit pion qui permet aux États-Unis d'atteindre ses objectifs déclarés, et l'un de ces pions peut être sacrifié quand l'ordre du jour évolue et dès que le moment propice arrive.
Hannibal GENSERIC